Et si on fermait les yeux, qu’on se bouchait les oreilles, et qu’on essayait de sentir, seulement sentir…
Nous, humains, vivons dans un monde visuel, nous passons nos journées à regarder des écrans, à lire, à observer ce qui nous entoure…
De la même façon que nous vivons le monde à travers nos yeux, en utilisant la vue en priorité avant tout autre sens, le chien lui vit le monde… à travers sa truffe !
Il évolue dans un monde olfactif, se guide et avance en humant, décryptant et analysant avec le bout de son museau chaque odeur, utilisant ainsi son sens le plus développé et le plus performant.
Alors, concrètement, çà fait quoi de voir le monde par sa truffe ?
Si vous vous intéressez à l’Umwelt du chien (c’est-à-dire à son monde de perception sensoriel), alors je vous conseille l’excellent livre d’Alexandra Horowitz « Dans la peau d’un chien » qui détaille avec beaucoup de précisions comment nos compagnons à quatre pattes perçoivent leur environnement.
Pourquoi passe-t-il son temps à tout renifler en promenade ?
Parce qu’il lit le journal des chiens tout simplement (on peut aussi dire qu’il parcourt son mur Facebook, ou qu’il consulte le panneau d’affichage des dernières nouvelles du quartier…).
En posant sa truffe près d’un marquage urinaire ou fécal d’un congénère, il décrypte et apprend quel individu est passé là, quel est son sexe, son âge, sa taille, son statut hormonal (castré, entier, en chaleur…), ce qu’il a mangé (hmmm les bonnes croquettes!), son état émotionnel….
Ses narines arrivent même à analyser chacune séparément une odeur, lui permettant de savoir si cette odeur vient plus de la gauche ou de la droite.
S’il claque des mâchoires, lèche ou bave, c’est tout à fait normal.
En faisant cela, il capte mieux les molécules portant les informations chimiques, il les colle à son palais pour mieux les soumettre à l’analyse de son organe voméronasal (appelé également organe de Jacobson).
Un organe voméronasal, c’est quoi ?
Petite merveille de la nature que nous humains ne possédons pas (ou plus?), on retrouve cet organe chez le chien, le chat, le cheval, le serpent… Il est en quelque sorte un super dispositif sensoriel spécialisé dans l’odorat, particulièrement performant pour détecter et analyser les phéromones (qui sont des molécules messagers chimiques entre individus).
Certains chiens pratiquent aussi le flehmen…
Vous savez… quand un chien s’immobilise, hume et halète bizarrement, en claquant des mâchoires, en relevant parfois légèrement la truffe et la lèvre supérieure, en produisant plus de la salive et en collant frénétiquement sa langue à son palais.
Ainsi, il augmente l’apport d’air et la collecte de molécules porteuses d’informations, et les portent plus facilement à son organe voméronasal.
En quelque sorte, on peut dire que le chien « goûte l’air ».
Beaucoup de gens pensent que leur chien fait semblant de les ignorer quand il renifle et qu’on le rappelle au pied. En fait à ce moment-là, une très grande partie du cerveau du chien est juste occupée à l’olfaction (on dit qu’un tiers de son cerveau est dédié à l’analyse et à la mémoire olfactive!). Le chien n’entend juste pas, ou beaucoup moins, car toute son attention est portée ailleurs.
Et les produits ménagers et autres parfums ?
Personnellement je ne porte plus de parfums forts depuis que j’ai des chiens, mais uniquement des eaux de parfum très légères.
Quand je fais le ménage, je m’arrange pour que les chiens soient à l’extérieur et ne rentrent qu’après la maison aérée et débarrassée du gros des effluves des produits à récurer et autres…
Quand on connait les capacités olfactives des chiens, et qu’on sait que leur préférence se porte plus sur les crottins de vache et les déjections de gibier (dans lesquels eux se parfument avec délectation), vous pensez bien que nos produits ménagers aux fragrances « Brise marine » ou « Pins des Landes » sont probablement très désagréables dans leurs narines.
Beaucoup de chiens se détournent aussi spontanément des gens qui fument, pour les mêmes raisons.
Mon chien, ce pisteur…
Si vous possédez un chien génétiquement sélectionné pour la chasse (ou tout autre chien très prédisposé à la prédation), vous connaissez probablement ces promenades truffe collée au sol, à suivre des pistes invisibles dans des endroits improbables. Et bien sûr vous ne pouvez pas lâcher votre chien dans certain endroit car il suit les traces du gibier et ne vous écoute plus…
Ce type de chiens a besoin de satisfaire ses besoins olfactifs (encore plus que ses congénères) par des jeux de recherche de friandises (tapis de reniflage, jouets d’intelligence pour chien…), de chasses au trésor dans le jardin ou une pièce de l’appartement, voire pourquoi pas par une activité régulière de pistage ou de recherche utilitaire (beaucoup de clubs canins proposent ces activités, et tous les chiens sont acceptés).
Et un chien heureux est un chien à qui on laisse le loisir de lire tranquillement son journal des chiens en promenade, qui a le droit de découvrir de nouvelles odeurs, de renifler une poubelle sur un trottoir, de faire travailler sa truffe avec des activités adaptées, et qui ne vit pas dans un environnement saturé de parfums de synthèse.